Le divorce pour faute peut se prouver par emails ou sms. (*)
Néanmoins, l’infidélité constitue-t-elle une faute pouvant entraîner un divorce pour faute ?
Flirter par mails est-il un comportement infidèle ?
Aller sur un site de rencontre en étant marié, est-ce de l’infidélité ?
Il faut préalablement définir l’impact de l’infidélité sur le divorce avant de voir si la notion d’infidélité virtuelle est reprise par les tribunaux.
I. Infidélité et divorce
En France, il existe 4 types de divorce : le divorce pour altération définitive du lien conjugal, le divorce pour faute, le divorce par consentement mutuel, et le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.
Le divorce pour faute peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
Article 212 du Code civil.
Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.
Les époux sont tenus d’une obligation de fidélité envers leur conjoint.
En revanche, il n’existe pas d’obligation de fidélité pour le PACS.
Le manquement à cette obligation de fidélité pourra alors être invoqué devant les tribunaux uniquement pour les époux en procédure de divorce. L’infidélité est le plus souvent invoquée par les époux en tant que violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage.
Néanmoins, depuis quelques années, le manquement à cette fidélité n’est pas nécessairement une cause automatique de divorce, notamment lorsqu’il y avait accord entre les époux sur une relation libre ou encore sur un pardon de ces faits d’infidélité.
La réconciliation et le pardon.
En effet, lorsque l’infidélité est pardonnée par un époux, elle ne peut plus être utilisée par la suite dans la procédure de divorce.
La Cour d’appel d’Angers a ainsi pu juger, dans un arrêt du 25 septembre 2006, que même si « la réconciliation intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce, la survenance de faits ultérieurs à cette réconciliation peuvent faire revivre les anciens griefs. »
Autrement dit, lorsque l’époux pardonne les faits d’infidélité, il ne peut plus les utiliser par la suite. Cependant, si son conjoint continue d’être infidèle, tous les faits d’infidélité -même ceux pardonnés- pourront être invoqués contre lui.
La relation libre.
Puisque l’infidélité n’est plus obligatoirement une faute pour le divorce, un accord peut être passé entre les époux pour s’en exonérer.
La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt en date du 21 octobre 2010, a pu juger de tels faits.
En l’espèce, les époux avaient souscrit une déclaration avant le divorce les libérant de tout devoir de fidélité, de telle sorte qu’ils puissent recevoir toute personne de leur choix à des fins sentimentales, pour commencer à refaire leur vie après 32 ans de mariage.
Or, l’épouse a exercé des activités d’escort-girl via des annonces sur Internet et une exploitation de plusieurs sites dédiés à cet effet.
La Cour d’appel a alors jugé que l’infidélité ne pouvait être invoquée comme cause de divorce en raison de cette déclaration.
En revanche, l’épouse a fait de la liberté « un usage humiliant pour son époux ».
Ainsi, l’inscription sur Internet d’une épouse afin d’exercer une activité d’escort-girl peut être considérée comme constituant une faute ouvrant droit au divorce.
Même s’il n’y a pas infidélité (en raison du consentement de l’autre personne), le fait d’avoir des relations sexuelles avec d’autres personnes peut être une faute.
II. Infidélité virtuelle
Avec le développement d’Internet, on peut se demander ce qu’il en est des relations uniquement virtuelles entre les personnes.
Les tribunaux ont, en pratique, une vision assez large de l’infidélité.
Il peut y avoir infidélité même si la relation n’est que fantasmée et jamais mise en œuvre.
Les échanges de courriels.
La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt en date du 27 mai 2011, a considéré que l’inscription su un site de rencontres et l’échange de mails (relation épistolaire relatant des fantasmes, des envies de caresses et baisers…) était un « comportement juridiquement qualifiable d’infidèle ».
Peu importe qu’il n’y ait eu aucune relation physique entre les personnes : dès lors que la relation a été fantasmée et réalisée à travers les courriels (ainsi qu’avec un échange de photographies, il y a eu infidélité.
Il faut d’ailleurs noter que la Cour avait retenu le divorce pour faute aux torts exclusifs de l’épouse. Cette dernière trompait allègrement son époux dès qu’il partait en voyage et rendait public ses aventures. La Cour d’appel a alors considéré que l’infidélité du mari ne peut lui être opposée, car elle résulte du désarroi dans lequel la faute adverse l’avait plongé.
Dès lors, l’infidélité (virtuelle) du mari est annulée en raison des circonstances (infidélité et humiliations de la part de son épouse).
Les sites de rencontres.
Il est également loisible de se demander ce qu’il en est de l’inscription d’un époux sur un site de rencontre. S’agit-il d’infidélité, fut-elle uniquement virtuelle ? Est-ce un comportement répréhensible ?
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 19 octobre 2007, a considéré qu’une « fréquentation soutenue et injurieuse d’Internet sur des sites de rencontres ou pornographiques » constituait une faute.
Elle n’évoque pas directement la question de la fidélité, mais elle observe qu’une fréquentation de sites de rencontre – et pornographiques – peut être répréhensible, et que cela peut constituer une faute dans le divorce.
La Cour d’appel de Limoges a quant à elle considéré, dans un arrêt du 22 mars 2012, que l’inscription à des sites internet dans le but de « rechercher un réconfort intellectuel » est un comportement « injurieux » de la part de l’époux.
Ce comportement injurieux constitue un manquement grave aux obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
La Cour ne qualifie pas directement d’infidélité l’inscription à des sites de rencontre. En revanche, elle considère qu’il s’agit d’un « comportement à minima injurieux ».
Or, l’injure faite à son époux peut constituer une faute pouvant mener droit au divorce.
Ainsi, les tribunaux considèrent régulièrement que la notion de fidélité est plus large qu’une simple fidélité charnelle. Des simples échanges de courriers, ou une inscription sur un site de rencontre peuvent constituer un manquement à l’obligation de fidélité ou être un comportement injurieux.
De tels faits pourraient alors être utilisés par le conjoint pour invoquer un divorce aux torts exclusifs de son époux. Ces nouveaux types d’infidélité (virtuelle) correspondent davantage à une obligation morale et affective qu’une réelle fidélité charnelle.